terroir et traditions

Par Allison Van Rassel, épicurieuse
allisonvanrassel.com

Du majestueux Saint-Laurent jusqu’aux contreforts des Appalaches, le Centre-du-Québec cultive les aliments phares du patrimoine culinaire du Québec : le sirop d’érable, la canneberge, le maïs, les blés anciens ainsi que de délectables fromages fermiers.

 

Canneberges biologiques au coeur de nos traditions

Riche de champs agricoles fertiles et sablonneux de la région, soutenus par le climat tempéré du fleuve Saint-Laurent, le Centre-du-Québec offre l’un des plus grands bassins de grandes cultures biologiques de la province. C’est d’ailleurs la plus grosse région productrice de canneberges biologiques au monde! La petite baie rouge et acidulée au cœur de nos célébrations du temps des Fêtes est une richesse culturelle directement héritée des Premières Nations du Québec.

C’est grâce aux savoirs des nations autochtones du Canada, dont les communautés abénaquises d’Odanak et de Wôlinak, que de nombreuses recettes et traditions culinaires demeurent sur la table des centricois.

Sagamité au menu

Connaissez-vous la sagamité? C’est une soupe abénaquise composée de haricots et de maïs lessivé dont la cuisson se fait dans un bouillon de viande de gibier. La littérature nous apprend que la sagamité était la soupe préférée des Abénaquis installés à l’embouchure des rivières Saint-François et Bécancour. Toutes les nations autochtones actuelles ont une version de cette soupe dans leur menu traditionnel, comme bien des Québécois francophones.

sagamité

Sagamité

L’or blond du Québec : le sirop d’érable

Un peu plus au nord-ouest de la région, tout près de la réserve mondiale de la biosphère du Lac-Saint-Pierre, on retrouve le très prisé esturgeon jaune sauvage. Cette espèce indigène en forme de torpille fait la fierté des plus grands chefs du pays. Son caviar est unique au Canada et il est tout aussi recherché que notre or blond, le sirop d’érable.

Lorsque vient le temps de parler de traditions culinaires phares dans le Centre-du-Québec, c’est la poutine et le repas de cabane à sucre qui l’emportent.

D’ailleurs, la MRC de l’Érable porte fièrement son nom en raison du grand nombre d’exploitations acéricoles familiales qu’on y retrouve. Ici, on parle de plus de 300 flaveurs de sirop d’érable en raison des multiples subtilités aromatiques qu’offre chaque production.

Patrimoine culinaire au Centre-du-Québec

Si c’est dans les savoir-faire que l’on reconnaît l’identité d’une région, et dans les richesses naturelles que l’on témoigne de la vraie beauté d’un territoire, le Centre-du-Québec est une région incontournable de notre belle province. De la cabane à sucre à la canneberge biologique, en passant par l’épicentre de la création de la fameuse poutine, tout y est! Bonnes découvertes.

Des aliments d’ici

Par Étienne Gosselin, agronome, communicateur et viticulteur

La chef cuisinière Lysanne O’Bomsawin et la productrice avicole Andréane Benoit ont un faible pour les aliments qui fortifient l’économie de leur région. Pour elles, pas moyen de se mettre autre chose dans le bec que des aliments du Centre-du-Québec!

Le Centre-du-Québec et ses terres agricoles

Comme 93 % de cette région composée des MRC d’Arthabaska, de Bécancour, de Drummond, de l’Érable et de Nicolet-Yamaska est constituée de terres agricoles, on peut supposer qu’il y a de quoi se sustenter! Cette proportion de terres pour se nourrir est même plus élevée que celles de la Montérégie (86 %) ou de Chaudière-Appalaches (67 %), les deux régions qui produisent pourtant le plus d’aliments en termes de valeur monétaire. Au Centre-du-Québec, 18 700 emplois sont liés au secteur bioalimentaire, pour 14 % des emplois et 13 % du PIB de la région!

Mets métissés serrés québécois-abénakis

Ce genre de statistiques participe à embaumer la cuisine de Lysanne O’Bomsawin, qui mitonne à Odanak et chez elle à Bécancour. Cette chef à domicile qui opère le Traiteur Québénakis tente de restreindre au maximum son rayon d’achat pour préparer ses mets métissés serrés québécois-abénakis. Lysanne aime mettre la main sur de la fraicheur et des saveurs du terroir qui font la spécificité de sa cuisine traditionnelle. Avec plus de 25 000 produits authentifiés du logo « Aliments du Québec » par l’organisme du même nom, le choix est vaste!

Approvisionnement local stratégique

Ses stratégies d’approvisionnement sont multiples et varient selon le moment de l’année. En saison, elle fréquente le Marché Godefroy et les kiosques à la ferme. Elle n’hésite pas à appeler les producteurs, des boucheries ou des poissonneries directement, qui deviennent des partenaires de son succès gastronomique. Autrement les épiceries et même certains supermarchés fournissent des efforts notables pour augmenter l’offre de produits d’ici. En moyenne, 60 % de ce que consomment les ménages québécois provient du Québec, avec de grandes disparités. L’autonomie alimentaire du Québec est effet très variable – c’est 1300 % pour les produits d’érable, 399 % pour le porc, 97 % pour la pomme de terre, mais 32 % pour le miel et 12 % pour les produits céréaliers.

Pour d’autres produits plus nichés – riz sauvage, cœurs de quenouille, moutarde de salicorne, maïs lessivé, champignons forestiers –, Lysanne fréquente des groupes de cueilleurs sur Facebook qui peuvent la diriger vers des points de vente ou lui expédier des produits par la poste ou par autobus. Hors-saison, oui, les grossistes alimentaires sont incontournables, mais n’oublions pas que des entreprises agricoles commercialisent des produits séchés (canneberges) ou surgelés (fraises) qui permettent des saveurs centricoises à l’année.

« Ça demande une certaine gymnastique et un peu plus de temps, mais ça vaut la peine », assure la chef. Les produits qu’elle obtient de manière directe sont plus frais, plus goûteux, car mûris à point et se conservent plus longtemps. Mais plus important encore, « l’achat local tisse des liens de confiance et stimule le sentiment d’appartenance à ma région », expose l’Abénakise. Ce sont même parfois ses fournisseurs qui la contactent pour lui offrir des nouveautés!

La Tablée du village : un événement zéro déchet

Sur le chemin de l’autonomie alimentaire, plus de 10 % des fermes tiennent des kiosques de bord de route et des activités d’autocueillette et une ferme sur cinq vend directement aux consommateurs. Mais pour mettre en valeur la contribution de nombreuses entreprises agricoles qui n’ont pas toujours pignon sur rue, Andréane Benoit, de la Ferme avicole A. Benoit à Sainte-Brigitte-des-Saults, a instauré une formule sans équivalent au Québec : la Tablée du village.

Initialement tenue en février pour souligner le Jour de l’agriculture canadienne, la Tablée s’est mutée en événement zéro déchet dont la troisième édition estivale, en août 2022, a rassemblé 420 convives dans un village de 784 habitants, cela le long d’une table interminable, car Andréane insiste : elle veut asseoir ensemble producteurs et consommateurs de son patelin, promouvoir le bon manger insoupçonné qui foisonne – patates, poireaux, porc, lait, poulet, croustilles, fromages…

« Je suis native de mon village, alors je pensais que je connaissais tous les produits d’ici, mais pas tant que ça, alors j’imagine pour des gens qui ne sont pas du milieu agricole », s’étonne l’éleveuse de volailles qui tire fierté de stimuler l’économie régionale par la production d’aliments.

Mieux connaître les familles de producteurs, c’est mieux apprécier leurs produits et leur savoir-faire, poursuit la pétillante trentenaire. Ça goûte juste meilleur quand on connaît leurs histoires!

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Par Jasmine Sauvé, UPA Centre-du-Québec

En 2022, Aliments du Québec a financé une étude sur la comparaison des prix des produits locaux par rapport à des produits comparables ailleurs qu’au Québec. Les résultats mettent en lumière que dans bien des cas, manger local ne coûte pas plus cher, contrairement à la croyance populaire.

Plus précisément, l’étude montre que pour 70 % des catégories de produits étudiées, le prix du produit local était soit comparable, soit moins cher que le prix du produit comparatif.

Dans le cadre de cette étude, un produit local est défini comme un produit dont les principales activités de production, de transformation et d’emballage sont effectuées au Québec. Il s’agit de produits sur lesquels on peut observer les logos Aliments du Québec ou Aliments préparés au Québec. Les prix ont été surveillés pendant 6 semaines.

Des produits québécois moins chers ou comparables

Pour les produits frais, parmi les produits étudiés, les pommes, les boissons végétales et les fromages locaux sont majoritairement moins dispendieux que les produits comparables. Pour les viandes, les saucisses et le jambon fumé préparés au Québec, ils sont moins dispendieux que les produits préparés ailleurs et le poisson préparé au Québec a un prix comparable à celui préparé ailleurs. Dans la catégorie des produits d’épicerie, le kombucha, les barres granolas, la farine, la confiture, les croustilles et les légumineuses du Québec ou préparées au Québec sont la plupart du temps moins dispendieux que les produits comparables.

Mais moins cher de combien? Cela varie d’une catégorie de produit à un autre. Les plus grandes différences de prix ont été observées pour la crème glacée et la confiture. Pour ces catégories, les produits québécois pouvaient être jusqu’à 17 % moins chers que les produits comparables. Pour le fromage et les saucisses, les produits du Québec pouvaient être jusqu’à 15 % moins dispendieux.

Manger local pour consolider nos valeurs centricoises

Et si, pour nous, manger local c’est consommer davantage de produits de notre région? Nous retenons de cette étude que dans la catégorie des produits frais, les pommes et les fromages locaux sont de bons choix. Le Centre-du-Québec est bien reconnu pour ses fromages, personne ne peut en douter! À l’épicerie, les barres granolas, la farine, la confiture et les légumineuses font souvent partie de nos achats, alors pourquoi ne pas privilégier les produits d’ici? D’autant plus qu’ils sont souvent moins chers ou le prix est comparable. Sur le territoire centricois, 3 moulins sont en opération; la farine, on connait bien ça aussi! Et dans la catégorie « je me gâte », les croustilles Yum Yum, c’est d’ici!

15 % moins cher notre portefeuille ne verra peut-être pas une grande différence, quoi que… mais acheter des produits d’ici consolidera assurément nos valeurs locales et nous fera prendre conscience que nous avons de bons produits chez nous!

Source : Étude financée par Aliment du Québec, Manger québécois coûte-t-il plus cher?

La Grange Pardue

Par Étienne Gosselin, agronome, communicateur et viticulteur

On mange avec nos sens, mais aussi avec notre tête, conscient que nos choix alimentaires ont des impacts socio-économiques, mais également environnementaux. Comment manger plus vert?

Comment réduire l’empreinte carbone de son alimentation?

Au Centre-du-Québec, les entreprises de transformation alimentaire génèrent à peu près autant de revenus que les 3 000 fermes sur le territoire. Voilà une belle richesse à exporter hors région, mais aussi à consommer localement, pour sabrer dans l’empreinte carbone de son alimentation.

Enseignant en gestion des opérations et de la chaîne logistique au Cégep de Drummondville, Mathieu Pépin l’atteste : l’approvisionnement local économise des litres de diesel d’une combustion aussi nuisible qu’irréversible. Lui-même diplômé de ce programme en pleine mutation sous l’effet notamment du développement durable, il a poursuivi son cursus aux HEC avant de planifier la production et le transport dans différentes entreprises.

L’environnement, c’est LE sujet de l’heure, clame l’enseignant. Avant, seule la rationalité économique prédominait, mais aujourd’hui, on conjugue consommation et environnement.

Consommer à moindre coût et à moindre impact, voilà la nouvelle équation que doivent résoudre les étudiants. Rappelons que 43 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec proviennent des transports et que les émissions de l’agriculture sont de 10 %, mais de 26 % si on inclut la production, la transformation et la distribution des aliments, rappelle Laure Waridel dans son livre « La transition, c’est maintenant ».

Entreposage écologique des aliments

À Drummondville, si les habitudes de consommation d’avocats ou d’agrumes ne sont pas du ressort des futurs diplômés, en revanche, entreposer les aliments aux meilleures localisations, composer des routes de livraison pour rationaliser les kilomètres inutiles et électrifier les transports sont des notions d’efficience aussi bien économique qu’environnementale qu’assimilent les cégépiens.

Ainsi, au retour du travail ou de l’aréna, arrêter à la ferme ou au marché public de sa municipalité, c’est logique pour une foule d’aliments qui font la renommée du Centre-du-Québec – produits laitiers et de l’érable, grains, porc et canneberges. Saviez-vous que 10 % des fermes proposent de l’autocueillette ou des achats à la ferme directement? Pour d’autres produits d’ici ou d’ailleurs (café, mangues et olives), Mathieu Pépin rappelle que les chaînes et les distributeurs, avec des entrepôts centraux et décentralisés, visent aussi à minimiser la consommation de diesel dont le prix ne va qu’en augmentant, notamment sous l’effet de la taxe sur le carbone.

Pour expédier ses bières aux quatre coins du Centre-du-Québec, la ferme brassicole et coopérative de travailleurs La Grange Pardue de Ham-Nord promène son propre camion de livraison entre Drummondville, Victoriaville, Laurierville et Parisville, mais pour Montréal et Québec, c’est un distributeur spécialisé en bières artisanales qui organise ses propres routes de livraison, évitant la multiplication des véhicules sur les routes. Mais avant tout, la ferme écoule 70 % de sa douzaine de sortes de bières sur place, dans une formule de tourisme responsable où les excursionnistes profitent d’un salon de dégustation, d’une terrasse high class, de sentiers d’Interprétation par champ et par bois.

L’approvisionnement local comme partenaire du développement durable

Cette ferme brassicole, l’une des rares parmi une douzaine au Québec sur les quelque 300 microbrasseries, excelle en matière de développement durable. Premièrement, le sable, le gravier et le bois pour construire la grange proviennent des terres de la ferme dont les valeurs, placardées sur son site Internet, regroupent l’économie circulaire, le développement durable, la conservation des traditions et la valorisation des paysages grandioses des Appalaches. Ensuite, une bonne partie de l’orge et du houblon provient de la ferme ou de fournisseurs de malts et de houblons québécois, sans parler de l’eau et des ressources humaines, dont l’une d’elles est le copropriétaire Philippe Langlois, originaire de Chesterville. Même la drêche, ce résidu brassicole, nourrit des porcs et des bovins locaux!

La Grange Pardue

Nos choix alimentaires ont des impacts

Réduire ses déchets, récupérer des matériaux, composter, utiliser les légumes et le sirop d’érable de la ferme, produire des bières de saison qui intègrent ici des framboises, là du jus de pomme de la région ou du miel de ruches du site même pour une stout impériale bien mielleuse : quand on se préoccupe d’environnement, tout devient soudain un peu plus complexe, mais c’est ce qui donne l’unicité à La Grange Pardue, ce projet « de la terre au verre ».

Le développement durable, c’est plus qu’un argument de vente : c’est ce que nous sommes, conclut Philippe Langlois.